Pyrite ou pyrrhotite : de la roche dans l’engrenage d’une transaction?
M. Sansouci est un courtier immobilier exerçant ses activités professionnelles depuis 20 ans dans la Vieille Capitale. Lorsqu’un de ses amis lui fait part de son intention d’acquérir une propriété aux abords d’un lac en Mauricie, il accepte volontiers de l’aider.
En entreprenant des recherches pour apprivoiser la région, il constate que certains dossiers font mention de pyrrhotite. Il en avise immédiatement son ami. Devant son inquiétude, il décide dans un premier temps d’en parler à son dirigeant d’agence, puis de s’informer davantage sur le sujet en téléphonant au Centre Info OACIQ.
L’agent d’information lui explique que la pyrrhotite, comme la pyrite, est une pierre sulfureuse possédant un potentiel de gonflement résultant de son oxydation, c’est-à-dire qu’elle peut prendre de l’expansion au contact de l’air et de l’humidité.
On retrouve de la pyrite dans la pierre de remblai autour des drains de fondations ou sous la dalle de béton. Une fois oxydée, son gonflement peut soulever la dalle ou encore fissurer le solage ou les cloisons. Des cas de gonflement de la pyrite ont été répertoriés à Montréal (quartiers Rivière-des-Prairies et Pointe-aux-Trembles) et en Montérégie, de Notre-Dame-de-l’Île-Perrot à Sorel. D’autres régions pourraient aussi être touchées. Le courtier doit informer les parties des recommandations appropriées et des conséquences liées à la présence de pyrite en zones à risque, telles que décrites dans l’article Obligations des courtiers et agences immobilières : zones à risque concernant la pyrite.
Quant à la pyrrhotite, son oxydation potentielle peut être beaucoup plus rapide que celle de la pyrite. Ce minéral est présent dans l’agrégat provenant de carrières en Mauricie et a pu être ajouté dans le mélange de béton servant à couler les fondations. La réaction chimique entraîne l’éclatement du béton et une fissuration caractéristique. Une analyse pétrographique effectuée par un laboratoire reconnu est fortement recommandée pour tous les immeubles construits entre 1996 et 2008 en Mauricie.
M. Sansouci mentionne à l’agent d’information qu’il s’apprête à effectuer une transaction immobilière en Mauricie. L’agent l’informe alors du fait que les courtiers souhaitant effectuer une ou des transactions dans la région de la Mauricie (région administrative 04) doivent être à l’affut de la problématique associée à la présence de pyrrhotite, au même titre qu’un courtier se doit de connaître les zones à risques de pyrite et les obligations qui en découlent.
Fait particulier en Mauricie, les courtiers immobiliers doivent suivre la formation en ligne Présence de pyrrhotite et transactions immobilières de l’OACIQ (3 UFC), ou s’adjoindre les services d’un courtier ayant les compétences requises pour transiger dans la région, ou encore renvoyer ses clients à un courtier autorisé à le faire.
L’agent d’information fait aussi état des recommandations à faire aux parties à l’étape de la prise du contrat de courtage vente, ainsi qu’à celle de la promesse d’achat.
Les recommandations
Il lui indique que le courtier du vendeur doit :
- aviser le vendeur qu’il a le devoir de renseigner tout acheteur au sujet de la pyrrhotite, même si la propriété ne semble pas affectée ;
- informer le vendeur que celui-ci doit divulguer la présence ou non de pyrrhotite. Cette divulgation sera faite au moyen du formulaire obligatoire Déclarations du vendeur sur l’immeuble en matière résidentielle lorsque le vendeur est une personne physique ;
- recommander qu’une expertise soit effectuée rapidement pour déterminer si la pyrrhotite cause ou pourrait causer des problèmes. Advenant que le vendeur ne désire pas procéder à cette analyse importante en amont, le courtier devra inscrire au contrat de courtage que le vendeur a été informé du risque de présence de pyrrhotite et de la possibilité de procéder à une expertise pour en détecter la présence ;
- expliquer que l’acheteur n’assume habituellement pas le coût d’une expertise et qu’il ne peut y procéder sans l’autorisation du propriétaire ;
- aviser le vendeur que si un problème était décelé, il devrait être corrigé, ou le prix de vente devrait nécessairement tenir compte de ce problème. Autrement, l’immeuble pourrait être difficile à vendre ;
- transmettre une copie du rapport d’expertise (et, le cas échéant, de la facture détaillée des réparations effectuées) à tout acheteur, peu importe le résultat de l’analyse. La bonne pratique professionnelle serait toutefois de joindre ce rapport à la fiche d’inscription du service de diffusion d’information utilisé.
Par ailleurs, le courtier de l’acheteur doit :
- aviser son client acheteur que l’immeuble construit entre 1996 et 2008 peut être affecté par la pyrrhotite, même si la propriété ne semble pas présenter de problèmes ;
- consulter le formulaire Déclarations du vendeur sur l’immeuble pour vérifier si une expertise du béton a été effectuée (clause D13.2) et, le cas échéant, le rapport d’expertise si celui-ci est d’emblée joint à la fiche d’inscription du service de diffusion d’information ;
- dans l’éventualité où le rapport n’est pas joint à la fiche descriptive, mais qu’il est par ailleurs disponible, informer l’acheteur que celui-ci peut rendre la promesse d’achat conditionnelle à l’examen d’un tel rapport (clause 9.1 de la PA). Dans tous les cas, le courtier doit recommander à l’acheteur de consulter son propre expert pour interpréter les résultats de l’analyse ;
- dans l’éventualité où aucun rapport d’expertise n’est disponible, recommander fortement de rendre la promesse d’achat conditionnelle à une expertise portant sur le béton des fondations en utilisant la clause E2.1 de l’annexe Expertise.
L’agent d’information souligne que les courtiers et leur agence immobilière ne peuvent en aucun cas cacher un renseignement concernant un immeuble ou omettre de le transmettre sous prétexte qu’il peut nuire à la mise en marché de la propriété ou à une transaction en cours.
Après avoir remercié l’agent d’information pour ses conseils, M. Sansouci s’inscrit et suit sans délai la formation en ligne sur la pyrrhotite. Par prudence, il décide aussi de s’adjoindre les services d’un collègue exerçant en Mauricie, M. Réjean Veille, étant donné que celui-ci connait sur le bout des doigts le territoire convoité.
Afin de maximiser leur temps et de minimiser les déceptions, M. Sansouci consulte en détail les fiches d’inscription suggérées et fait les vérifications d’usage au Registre foncier du Québec. Après avoir visité plusieurs propriétés, les acheteurs jettent finalement leur dévolu sur une jolie maison surplombant un lac majestueux.
Le courtier inscripteur de cette propriété construite en 1999 a préalablement expliqué aux courtiers des acheteurs qu’à la suite de ses recommandations, le vendeur vient tout juste de procéder à la demande d’une expertise relative- ment à la présence de pyrrhotite, mais que les résultats ne seront disponibles que dans 6 à 8 semaines. À la connaissance du vendeur, aucune maison des alentours n’a eu de problèmes liés à la pyrrhotite et aucun facteur apparent sur le bâtiment ne laisse suggérer qu’il en soit affecté (exemples : fissures de fondation, taches blanches ou jaunes sur le béton).
Cependant, il n’a pas non plus de preuve documentaire à l’appui (bordereaux de livraison du béton ou test de laboratoire).
Avec la collaboration de M. Veille, M. Sansouci a procédé à la rédaction de la promesse d’achat. Outre les conditions usuelles (inspection et hypothèque), les acheteurs ont ajouté une condition liée à l’obtention d’une expertise de pyrrhotite dans un délai de 8 semaines. Cette condition est inscrite à la clause E2.1 intitulée « Expertise à la demande de l’acheteur » de l’annexe Expertise, laquelle est liée à la promesse d’achat.
M. Veille mentionne au passage que les institutions financières exigent un test de pyrrhotite avant d’octroyer un prêt hypothécaire, et ce, malgré une inspection en bâtiment rassurante. Par conséquent, il faut prévoir un délai d’engagement hypothécaire suffisant à la clause 6.2 de la Promesse d’achat pour permettre au prêteur de prendre connaissance du rapport. Par la suite, la promesse d’achat a été acceptée par le vendeur. L’inspection, outre l’usure normale, n’a rien révélé de significatif. Quelques semaines plus tard, l’acheteur s’est déclaré pleinement satisfait des résultats de l’analyse après avoir consulté son propre expert, comme il lui a été recommandé. Une autre transaction réussie!
- Numéro de référence
- 201502
- Dernière mise à jour
- 9 juin 2022