Se tenir loin de la fraude immobilière

Dans le cadre de son travail quotidien, le courtier immobilier est appelé à entrer en contact avec un grand nombre de clients et à rédiger plusieurs formulaires menant à des transactions. Il joue un rôle clé, car il est au centre de ces transactions, par ses fonctions qui l’amènent à représenter soit le vendeur ou l’acheteur. Il doit promouvoir et protéger les intérêts de la partie qu’il représente, tout en accordant un traitement équitable à toutes les parties à la transaction.

Ainsi, il peut être témoin de fraudes immobilières et ne doit pas participer à aucun acte ou pratique, en matière immobilière, qui puisse être illégal ou qui puisse porter préjudice au public ou à la profession. Il ne doit pas non plus conseiller ou encourager une partie à une transaction à poser ou un acte qu’il sait illégal ou frauduleux. Il ne peut et ne doit pas s’aveugler volontairement, mais doit plutôt demeurer vigilant et de bon conseil.

Au Québec, comme ailleurs, les fraudes immobilières sont une réalité et elles impliquent parfois des courtiers immobiliers. Parmi les principaux types de fraudes où ce fut le cas, on retrouve les « flips », l’utilisation des prête-noms, le gonflement de prix et la transmission de faux documents aux institutions prêteuses :

  Le « flip » consiste en des transactions successives, faites dans un court délai en augmentant significativement et sans raison valable son prix lors de la revente, permettant de la sorte à son instigateur d’encaisser une somme substantielle au détriment de l’institution prêteuse. De façon plus simple, après avoir identifié une propriété pouvant se prêter au stratagème, une promesse d’achat est faite par un prête-nom (communément appelé « poteau ») à un prix qui, généralement, est représentatif de la valeur réelle.

   Cette promesse d’achat comporte généralement un délai pour l’obtention d’un prêt plus long que ce qui est généralement la pratique, afin de permettre de trouver un acheteur prêt à payer un prix plus élevé. Le fait qu’il soit demandé au courtier du vendeur de faire une mise hors marché de la propriété, que l’acheteur n’ait pas visité l’immeuble, ne l’ait pas fait inspecter, ou que la signature de l’acheteur varie beaucoup d’un document à l’autre, devrait inciter le courtier à être vigilant.

  Un autre type de fraude consiste en l’utilisation d’un prête-nom à qui l’immeuble est vendu. L’instigateur convainc le prête-nom en lui promettant une certaine somme d’argent qui lui sera remise après la signature de l’acte de vente, avec l’engagement qu’il n’aura à s’occuper de rien. La gestion sera effectuée par l’instigateur, le temps que la propriété soit revendue. De plus, on laisse souvent miroiter au prête-nom qu’il aura droit à une portion du profit qui sera réalisé à la revente. Naturellement, cela ne se produit pas.

   Dans les faits, cette transaction est effectuée à un prix surévalué et c’est l’instigateur qui encaisse l’excédent entre le prix réellement convenu avec le vendeur et le montant du prêt ainsi obtenu. Le prête-nom, lui, se retrouve après quelques mois avec un préavis d’exercice, les paiements n’ayant pas été effectués. L’institution prêteuse finit par reprendre l’immeuble et le prête-nom est poursuivi pour la perte encourue, ce qui l’amènera souvent à devoir faire cession de ses biens. Ici non plus l’acheteur n’aura pas visité l’immeuble, ne l’aura pas fait inspecter et sa signature pourra varier. Il est aussi souvent demandé au courtier du vendeur de modifier substantiellement à la hausse le prix demandé, et ce, de façon temporaire.

  Un troisième type de fraude où la participation du courtier immobilier peut être sollicitée est le gonflement de prix. Celui-ci peut viser plusieurs fins, dont celle de financer des travaux, de payer une dette ou de laisser croire qu’un acheteur détient la mise de fonds, etc. Généralement, un document non lié à la promesse d’achat vient dire que le vendeur remettra à l’acheteur une certaine somme d’argent chez le notaire. Ce document n’est pas transmis au prêteur, qui accorde un prêt en se basant sur le prix indiqué à la promesse d’achat. Ce document est parfois créé au moment de la promesse d’achat, auquel cas le courtier du vendeur devrait recommander à ce dernier de ne pas accepter de se prêter à ce stratagème et de dénoncer cette façon de faire.

   Il arrive aussi, à la suite d’une inspection, qu’une demande soit faite au vendeur afin qu’il remette une certaine somme d’argent lors de la signature de l’acte de vente, alors que l’état de la propriété ne justifie pas un tel ajustement et que la façon habituelle de procéder devrait être de demander une baisse de prix. Les courtiers ne doivent en aucun cas participer ou encourager les acheteurs et les vendeurs à s’entendre, verbalement ou par écrit, à des conditions différentes de celles stipulées à la promesse d’achat.

Ce ne sont là que quelques exemples, mais ils ont tous ceci en commun : ce sont des infractions criminelles.

Le courtier immobilier doit, en toutes circonstances, agir avec prudence, ne pas faire preuve d’aveuglement volontaire ou agir par complaisance

Parmi les règles pertinentes à ce type de situation, il y a notamment, au Règlement sur les conditions d’exercice d’une opération de courtage, sur la déontologie des courtiers et sur la publicité, les articles suivants :

69. Le courtier ou le dirigeant d’agence ne doit participer à aucun acte ou pratique, en matière immobilière, qui puisse être illégal ou qui puisse porter préjudice au public ou à la profession.

79. Le courtier ou le dirigeant d’agence ne doit pas conseiller ou encourager une partie à une transaction à poser un acte qu’il sait illégal ou frauduleux.

83. Le courtier ou le dirigeant d’agence doit conseiller et informer avec objectivité la partie qu’il, ou que l’agence pour laquelle il agit, représente et toutes les autres parties à une transaction. Cette obligation porte sur l’ensemble des faits pertinents à la transaction ainsi que sur l’objet même de celle-ci et doit être remplie sans exagération, dissimulation ou fausse déclaration.

S’il y a lieu, il doit les informer des produits et services relatifs à cette transaction concernant la protection du patrimoine visé.

84. Le courtier ou le dirigeant d’agence doit entreprendre les démarches pour découvrir, conformément aux usages et aux règles de l’art, les facteurs pouvant affecter défavorablement la partie qu’il, ou que l’agence pour laquelle il agit, représente ou les autres parties à une transaction ou l’objet même de cette transaction.

85. Le courtier ou le dirigeant d’agence doit informer la partie qu’il, ou que l’agence pour laquelle il agit, représente et toutes les autres parties à une transaction de tout facteur dont il a connaissance qui peut affecter défavorablement les parties ou l’objet même de la transaction.

86. Le courtier ou le dirigeant d’agence doit, pour assurer la protection de toutes les parties à une transaction, veiller à ce que leurs droits et obligations soient consignés par écrit et reflètent adéquatement leur volonté. Il doit informer de façon raisonnable toutes les parties à une transaction des droits et obligations découlant des documents qu’il leur fait signer.

Il y va de l’intérêt de tous de ne pas participer à une transaction ayant un caractère frauduleux. Le courtier qui le fait pourrait faire l’objet d’une enquête par le syndic de l’OACIQ et, éventuellement, devoir répondre de ses actes devant le Comité de discipline de l’OACIQ.

Dernière mise à jour : 28 février 2024
Numéro d'article : 122903